من هناك
07-11-2007, 02:39 PM
Les derviches du Kosovo fêtent la naissance d'Ali.
Dans cette province placée sous administration intérimaire des Nations unies depuis 1999, la tradition derviche reste forte. Rahovec, correspondance spéciale. PERIO Gaëlle
Ondulation blanche, les hommes en transe, se balancent au son des tambours. Le cheikh derviche, Mehdi Shehu, prononce la fatiha, la profession de foi musulmane et enfonce une aiguille de 40 cm dans la joue d'un garçonnet de 6 ans. Pas une goutte de sang ne perle. Environ deux cents personnes, hommes, femmes et enfants, sont réunies dans la tekke, le lieu de culte derviche, de Rahovec, en plein coeur des vignobles du Kosovo. La confrérie Rifa'i fête Sultan Nevruz - le nouvel an perse et anniversaire de la naissance d'Ali, le gendre du prophète - dans une ambiance joyeuse et festive. Dehors, à quelques mètres du lieu de prière, des maisons en ruines, incendiées ou pointillées d'impacts de balles rappellent s'il en était besoin l'histoire récente et douloureuse de la région
.
Mais aujourd'hui, on oublie pour quelques heures les incertitudes sur l'avenir de la province sous protectorat des Nations unies depuis plus de huit ans. La cérémonie est très spectaculaire : danses et rondes mystiques avec percements dans la gorge, les flancs et les joues. Ces perforations rituelles veulent célébrer la puissance de Dieu. Malgré les apparences, rien de sanglant ni de morbide mais un grand sentiment de ferveur et de confiance. Le cheikh saute sur un sabre posé au travers du torse de derviches. Un petit garçon d'à peine 4 ans est promené pieds nus sur une lame. L'extase mystique des participants est atteinte par le dhikr, prière rituelle reposant sur la répétition des noms de Dieu. Les femmes, derviches elles aussi, participent à la prière depuis la loggia
.
Rahovec est marquée des cicatrices de la guerre de 1999. À 500 mètres de la tekke, commence le quartier serbe, sous la protection des soldats de l'Otan, où survivent 500 personnes regroupées autour de l'église serbe orthodoxe, inquiètes de savoir si le Kosovo sera finalement indépendant. Un peu plus bas, on aperçoit le minaret de la mosquée, reconstruite depuis la guerre, qui rappelle que 90 % des Kosovars albanais sont musulmans sunnites. Juste derrière, se trouve la tekke des Halveti, l'autre confrérie derviche de Rahovec, dont le cheikh a été assassiné durant les derniers combats. Le Kosovo, région microscopique coincée entre la Macédoine, le Monténégro, l'Albanie et la Serbie, a toujours été un entremêlement de croyances et d'ethnies. Les derviches, implantés au moment de la conquête ottomane il y a cinq cents ans ont survécu à travers les siècles et malgré l'hostilité du régime communiste de Tito.
Cette communauté vivante et active compte maintenant 12 confréries mystiques à travers la province qui suivent différentes traditions (Rifa'i, Sa'di, Halveti, etc.). Les ordres derviches sont traditionnellement plus influents en Rrafsh-e-Dukagjinit, bande fertile et rurale entre Peja et Prizren
.
Aujourd'hui, être derviche, c'est tout d'abord être un mystique musulman, qui s'efforce de renoncer à lui-même par des exercices. Celui ou celle qui s'engage dans la voie soufie suit alors une voie spirituelle, sous la direction du cheikh, où la foi est le pivot de sa vie quotidienne. << Je dois répéter 100 fois par jour le nom de Dieu, explique Sabrina, lycéenne de 16 ans, jeans troués et tee-shirt rose. Pour le reste, c'est un coeur à coeur intime et un travail sur moi-même guidé par le cheikh
. >>
Les derviches ou aspirants derviches ancrent leur foi dans des valeurs morales et une expérience de la prière très intense. Le dhikr est la clé de voûte de cette prière mystique. Répétition des noms d'Allah, elle finit par une expiration longue : << Hu >> (Lui) que l'on exhale dans un souffle, presque comme un murmure amoureux. Mais du postulant derviche, la route est longue et les étapes nombreuses jusqu'à la calotte de feutre blanc, la tchula, que porte l'initié. << Ce n'est pas le chapeau qui fait le derviche mais le coeur, sourit le cheikh Mehdi. Notre spiritualité est comme une main. Le dessus, c'est le zahir, l'aspect extérieur que l'on construit par l'étude de la loi coranique (sunna) et du Coran. La paume, c'est le batin, l'expérience spirituelle personnelle, indicible. C'est à moi d'évaluer le caractère, la moralité de la personne avant qu'elle ne s'engage dans la voie soufie. >> Le cheikh se fait discret sur les étapes d'initiation. Tel un père spirituel, il guide et personnalise l'accompagnement selon le quotidien et les besoins de chacun.
Maillon indispensable de ce cheminement vers Dieu, le cheikh reçoit héréditairement son pouvoir spirituel. Il est désigné, << marqué >>. Le cheikh joue aussi le rôle d'autorité morale et d'arbitre en cas de conflits. Les cheikhs ont ainsi beaucoup apaisé les règlements de compte sanglants de la loi coutumière albanaise. Aujourd'hui, il n'est pas rare qu'ils servent de médiateurs dans des conflits de propriété, notamment entre Serbes et Albanais. Dans la tekke Rifa'i de Rahovec, le cheikh Mehdi, 33 ans, reçoit ses visiteurs sur une banquette basse avec des cigarettes et une éternelle tasse de café à portée de son ordinateur portable. La tekke, fondée par son grand-père il y a 103 ans à partir de la tekke mère (asitane) de Gjakove, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest, tire son revenu de terres et de vignobles, et produit son eau-de-vie et son vin.
Les derviches ou les sympathisants portent un immense respect au cheikh. Ils s'inclinent devant lui, ne lui tournent jamais le dos et parfois baisent le sol en sa présence. Après leur mort, ou << déménagement >>, les cheihks sont vénérés comme des saints aux pouvoirs miraculeux dont les tombes, les turbehs, font l'objet de dévotions qui attirent catholiques, orthodoxes et musulmans. Les sheyzades, enfants, oncles ou frères et soeurs du cheikh, sont également particulièrement respectés. Esma, sheyzade de 5 ans aux boucles brunes, ne s'adresse à son papa qu'en portant la main sur le coeur en signe de respect. C'est son frère Saïd, 8 ans, qui prendra plus tard la succession. En plus de sa scolarité à l'école communale, il a déjà commencé, comme Esma, sa formation spirituelle.
Même si la relève semble assurée puisque de nombreux jeunes fréquentent les tekkes, les derviches restent minoritaires dans un Kosovo, qui, s'il devenait indépendant, serait le premier pays musulman d'Europe et l'un des plus jeunes aussi puisque 50 % de la population a moins de 27 ans. Avec une lecture de l'histoire qui les rapproche des chiites, ces confréries sont tolérées par les autorités sunnites, qui doivent déjà endiguer la montée en puissance de l'islam radical. En effet, après la guerre de 1999, les ONG confessionnelles originaires du Koweït ou d'Arabie saoudite se sont engouffrées au Kosovo, associant secours et prosélytisme wahhabite. << Cet islam radical, ne peut s'implanter durablement, estime, serein, Musa Shehu, le cheikh sa'di de Gjakove, car il est aux antipodes de la tradition de tolérance kosovare. Inch'Allah. >>
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Dans cette province placée sous administration intérimaire des Nations unies depuis 1999, la tradition derviche reste forte. Rahovec, correspondance spéciale. PERIO Gaëlle
Ondulation blanche, les hommes en transe, se balancent au son des tambours. Le cheikh derviche, Mehdi Shehu, prononce la fatiha, la profession de foi musulmane et enfonce une aiguille de 40 cm dans la joue d'un garçonnet de 6 ans. Pas une goutte de sang ne perle. Environ deux cents personnes, hommes, femmes et enfants, sont réunies dans la tekke, le lieu de culte derviche, de Rahovec, en plein coeur des vignobles du Kosovo. La confrérie Rifa'i fête Sultan Nevruz - le nouvel an perse et anniversaire de la naissance d'Ali, le gendre du prophète - dans une ambiance joyeuse et festive. Dehors, à quelques mètres du lieu de prière, des maisons en ruines, incendiées ou pointillées d'impacts de balles rappellent s'il en était besoin l'histoire récente et douloureuse de la région
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Mais aujourd'hui, on oublie pour quelques heures les incertitudes sur l'avenir de la province sous protectorat des Nations unies depuis plus de huit ans. La cérémonie est très spectaculaire : danses et rondes mystiques avec percements dans la gorge, les flancs et les joues. Ces perforations rituelles veulent célébrer la puissance de Dieu. Malgré les apparences, rien de sanglant ni de morbide mais un grand sentiment de ferveur et de confiance. Le cheikh saute sur un sabre posé au travers du torse de derviches. Un petit garçon d'à peine 4 ans est promené pieds nus sur une lame. L'extase mystique des participants est atteinte par le dhikr, prière rituelle reposant sur la répétition des noms de Dieu. Les femmes, derviches elles aussi, participent à la prière depuis la loggia
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Rahovec est marquée des cicatrices de la guerre de 1999. À 500 mètres de la tekke, commence le quartier serbe, sous la protection des soldats de l'Otan, où survivent 500 personnes regroupées autour de l'église serbe orthodoxe, inquiètes de savoir si le Kosovo sera finalement indépendant. Un peu plus bas, on aperçoit le minaret de la mosquée, reconstruite depuis la guerre, qui rappelle que 90 % des Kosovars albanais sont musulmans sunnites. Juste derrière, se trouve la tekke des Halveti, l'autre confrérie derviche de Rahovec, dont le cheikh a été assassiné durant les derniers combats. Le Kosovo, région microscopique coincée entre la Macédoine, le Monténégro, l'Albanie et la Serbie, a toujours été un entremêlement de croyances et d'ethnies. Les derviches, implantés au moment de la conquête ottomane il y a cinq cents ans ont survécu à travers les siècles et malgré l'hostilité du régime communiste de Tito.
Cette communauté vivante et active compte maintenant 12 confréries mystiques à travers la province qui suivent différentes traditions (Rifa'i, Sa'di, Halveti, etc.). Les ordres derviches sont traditionnellement plus influents en Rrafsh-e-Dukagjinit, bande fertile et rurale entre Peja et Prizren
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Aujourd'hui, être derviche, c'est tout d'abord être un mystique musulman, qui s'efforce de renoncer à lui-même par des exercices. Celui ou celle qui s'engage dans la voie soufie suit alors une voie spirituelle, sous la direction du cheikh, où la foi est le pivot de sa vie quotidienne. << Je dois répéter 100 fois par jour le nom de Dieu, explique Sabrina, lycéenne de 16 ans, jeans troués et tee-shirt rose. Pour le reste, c'est un coeur à coeur intime et un travail sur moi-même guidé par le cheikh
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Les derviches ou aspirants derviches ancrent leur foi dans des valeurs morales et une expérience de la prière très intense. Le dhikr est la clé de voûte de cette prière mystique. Répétition des noms d'Allah, elle finit par une expiration longue : << Hu >> (Lui) que l'on exhale dans un souffle, presque comme un murmure amoureux. Mais du postulant derviche, la route est longue et les étapes nombreuses jusqu'à la calotte de feutre blanc, la tchula, que porte l'initié. << Ce n'est pas le chapeau qui fait le derviche mais le coeur, sourit le cheikh Mehdi. Notre spiritualité est comme une main. Le dessus, c'est le zahir, l'aspect extérieur que l'on construit par l'étude de la loi coranique (sunna) et du Coran. La paume, c'est le batin, l'expérience spirituelle personnelle, indicible. C'est à moi d'évaluer le caractère, la moralité de la personne avant qu'elle ne s'engage dans la voie soufie. >> Le cheikh se fait discret sur les étapes d'initiation. Tel un père spirituel, il guide et personnalise l'accompagnement selon le quotidien et les besoins de chacun.
Maillon indispensable de ce cheminement vers Dieu, le cheikh reçoit héréditairement son pouvoir spirituel. Il est désigné, << marqué >>. Le cheikh joue aussi le rôle d'autorité morale et d'arbitre en cas de conflits. Les cheikhs ont ainsi beaucoup apaisé les règlements de compte sanglants de la loi coutumière albanaise. Aujourd'hui, il n'est pas rare qu'ils servent de médiateurs dans des conflits de propriété, notamment entre Serbes et Albanais. Dans la tekke Rifa'i de Rahovec, le cheikh Mehdi, 33 ans, reçoit ses visiteurs sur une banquette basse avec des cigarettes et une éternelle tasse de café à portée de son ordinateur portable. La tekke, fondée par son grand-père il y a 103 ans à partir de la tekke mère (asitane) de Gjakove, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest, tire son revenu de terres et de vignobles, et produit son eau-de-vie et son vin.
Les derviches ou les sympathisants portent un immense respect au cheikh. Ils s'inclinent devant lui, ne lui tournent jamais le dos et parfois baisent le sol en sa présence. Après leur mort, ou << déménagement >>, les cheihks sont vénérés comme des saints aux pouvoirs miraculeux dont les tombes, les turbehs, font l'objet de dévotions qui attirent catholiques, orthodoxes et musulmans. Les sheyzades, enfants, oncles ou frères et soeurs du cheikh, sont également particulièrement respectés. Esma, sheyzade de 5 ans aux boucles brunes, ne s'adresse à son papa qu'en portant la main sur le coeur en signe de respect. C'est son frère Saïd, 8 ans, qui prendra plus tard la succession. En plus de sa scolarité à l'école communale, il a déjà commencé, comme Esma, sa formation spirituelle.
Même si la relève semble assurée puisque de nombreux jeunes fréquentent les tekkes, les derviches restent minoritaires dans un Kosovo, qui, s'il devenait indépendant, serait le premier pays musulman d'Europe et l'un des plus jeunes aussi puisque 50 % de la population a moins de 27 ans. Avec une lecture de l'histoire qui les rapproche des chiites, ces confréries sont tolérées par les autorités sunnites, qui doivent déjà endiguer la montée en puissance de l'islam radical. En effet, après la guerre de 1999, les ONG confessionnelles originaires du Koweït ou d'Arabie saoudite se sont engouffrées au Kosovo, associant secours et prosélytisme wahhabite. << Cet islam radical, ne peut s'implanter durablement, estime, serein, Musa Shehu, le cheikh sa'di de Gjakove, car il est aux antipodes de la tradition de tolérance kosovare. Inch'Allah. >>
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