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من هناك
12-26-2007, 04:51 AM
Courrier international, no. 894-895
Moyen-Orient, jeudi, 20 décembre 2007, p. 36

EGYPTE

Cachez ce sionisme que je ne saurais voir


Dalal Bizri
Al Hayat (Londres)
Le film Salade maison raconte l'histoire d'une Egyptienne juive communiste qui décide de reprendre contact avec sa famille en Israël après cinquante ans de séparation. De quoi déclencher un débat houleux.
Il en va de ce film comme d'un rituel soufi : il procède du for intérieur. Et le for intérieur de Nadia Kamel, la réalisatrice de Salade maison, est composé de multiples ingrédients. Car elle est la fille de Mary et Saad Kamel, la première une Italienne de confession juive convertie au christianisme, le second un Egyptien musulman. Les deux sont journalistes et communistes. Quant à sa soeur Dina, elle est mariée au fils de l'ancien ministre palestinien Nabil Chaath. L'intrigue du film part du désir croissant de sa mère [installée au Caire] de rétablir les liens avec sa famille [juive, installée en Israël], après cinquante années de rupture. "Pourquoi as-tu refusé le contact durant toutes ces années ?" lui demande Nadia. "Par solidarité avec la cause palestinienne, répond la mère. Pour me conformer au refus [arabe] de toute normalisation des relations avec Israël."
Le moment le plus fort du film est celui où elle se résout enfin à franchir le pas. Son mari, Saad, hésite, s'interroge, se tâte. Il n'est pas encore prêt, mais il aime Mary et ne voudrait pas qu'elle y aille seule. Cela l'éloignerait d'elle. Il se décide donc à l'accompagner en Israël. Ils y sont accueillis par une nièce israélienne. Effusion de sentiments, flots de larmes et promesses de se revoir. Sur le chemin du retour vers Le Caire, ils voudraient passer par la bande de Gaza pour rendre visite à la famille de Nabil junior [le fils de Dina], le petit-fils aux multiples identités et religions. Mais ils doivent renoncer car les passages vers Gaza sont fermés.
Nos marchés sont inondés de produits chinois
Le film pose la question de la coexistence. Dans l'une des scènes, on voit la soeur de Nadia, Dina, se diriger avec son fils vers la mosquée. C'est le jour de la fête du sacrifice [Al-Adha], et elle est en liesse. Mais le bonheur est aussitôt terni par des cris venant de la mosquée : "Méfiez-vous des ennemis de l'islam !" Cette scène révèle les crispations religieuses qui règnent actuellement en Egypte.
Et, logiquement, peu de salles de cinéma en Egypte ont accepté de projeter le film. Quant au public, il lui a réservé le même accueil qu'à tout ce qui concerne de près ou de loin Israël. Tantôt les spectateurs quittent la salle à la première image tournée "chez l'ennemi", tantôt ils insultent la réalisatrice, tantôt ils protestent parce qu'on voit des Israéliens sympathiques "alors qu'ils commettent quotidiennement des atrocités dans les Territoires occupés". Quant à la presse, elle a profité de l'occasion pour étaler son patriotisme et sa fidélité à la "cause" [arabe]. Elle hurle donc avec ceux pour qui "normaliser les relations avec Israël, c'est être complice des Américains".
Comme cela se produit toujours en pareil cas, certains critiquent abondamment le film alors qu'ils ne l'ont même pas vu. On connaît ce comportement de la part des religieux qui censurent des livres qu'ils n'ont pas lus. Voilà le point commun entre la pêche dans les eaux antisionistes et la pêche dans les eaux islamistes. Mais l'inquisition religieuse est localisable à travers l'université Al-Azhar et ses prédicateurs...
L'inquisition "civile" antisioniste, en revanche, reste insaisissable comme si elle était le fait d'esprits invisibles. Le problème, c'est que les deux se rejoignent pour nier toute évolution des idées. Pour celui qui s'est calfeutré derrière ces certitudes, pas question d'accepter le moindre souffle d'air frais.
Le mérite de Nadia Kamel est de s'être affranchie de cet état d'esprit totalitaire. Elle suscite des questions plutôt que d'asséner des vérités. "Je ne peux pas faire abstraction de ma qualité d'être humain quand j'aborde des sujets politiques", explique-t-elle. Ses souvenirs sont ceux d'un passé qui paraît bien lointain aujourd'hui. La maison de son enfance représente "l'unité du monde humain, baigné dans la tolérance et la convivialité, où cohabitaient des gens de toute nationalité, de toute couleur et de toute religion, et où toutes les portes étaient ouvertes".
Sa force réside dans sa sincérité. C'est cela qui ébranle les certitudes des antinormalisateurs [avec Israël], qui ne ressassent qu'une chose : la mobilisation, encore la mobilisation, toujours la mobilisation, quitte à renoncer à l'intelligence. Et pour quelle raison ? Essentiellement pour boycotter les produits israéliens. Mais, voilà, depuis des décennies, nous nous mobilisons et nous boycottons. Avec quel résultat ? Nos marchés sont inondés de produits chinois et notre "cause" a perdu du terrain. Ne serait-il pas normal que l'on s'interroge sur la pertinence de cette mobilisation ? Ne serait-il pas normal de remettre en question ce boycott ? Tout le monde se donne bonne conscience alors que les premiers concernés par la "cause", à savoir les Palestiniens, continuent d'être victimes des pires abus.
Le boycott culturel est pire encore. Nous cherchons à avoir le monopole du rôle de la victime éternelle pour pouvoir nous considérer comme l'incarnation du bien, et les Israéliens - et tous ceux qui les fréquentent - comme l'incarnation du mal. Comment dans ces conditions est-il possible de voir en l'autre un être de chair et de sang ?


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